CHAPITRE 1 LE RENDEZ VOUS
URMI
23
CHAPITRE
I
LE
RENDEZ-VOUS
Ce soir du 30 avril 2088, la chaude
journée qui venait de s'écouler vibrait d'une animation pré-nocturne hantée du
désir de rester éveillé encore longtemps. On avait envie de profiter de la
légèreté de l'air, de se glisser parmi les silhouettes qui paraissaient flotter
dans la ville, comme si cette foule de corps agiles ne pouvait rencontrer
d'obstacle dense. Accoudé à la baie du sixième étage de ses bureaux, Germain
Brissac savourait cette délicieuse sensation de liberté qui laissait présager
quelques belles heures de détente.
Il repensait à cette journée où tout
lui avait souri. Pourtant, dès ce matin, il s'était préparé à un difficile
marathon de rendez-vous, dont dépendait l'essentiel de ses projets pour l'Agence. Mais au lieu des arguties
habituelles, il n'avait rencontré qu'assentiment et désir de le satisfaire. Et
pour couronner le tout, ce coup de bluff avec le Président du Directoire, qui
s'était rendu libre dès ce soir à 18 heures. Il avait choisi de venir lui-même à la Tour du Soleil,
où il disposait d'un bureau de réflexion, deux étages au-dessus de l'Agence
Mondiale de la Mémoire dirigée par
Germain.
Immédiatement après avoir entendu
prononcer le nom de Marcus Pops, le grand Thomas Neville donnait des ordres au
terminal- secrétaire pour un plan de journée qui permît d'être mis en présence
d'un interlocuteur de degré deux, pour
une durée de trois quarts d'heure avec marge d'un tiers. Pour une personnalité
aussi peu disponible que Sir Thomas Neville, un degré deux signifiait une
priorité totale en dehors de ses égaux, les présidents des trois autres
Directoires des Territoires Assistés. Le fait qu'il ait dicté les paramètres au
terminal au lieu d'en effleurer le clavier, montrait encore plus clairement sa
volonté d'honorer son correspondant. Dès
que Germain avait compris qu'il tenait une information prospective qui
devait intéresser Sir Thomas, il avait
trouvé dans cette certitude les mots pour forcer le barrage administratif.
«- Germain Brissac de l'AMM, pour Sir Thomas !» Annonça-t-il au standard.
«- Avez-vous l'ouverture ?»
«- Je sollicite une procédure de contact unilatéral.»
«- Je vous mets en communication avec la console de sélection.»
Un bref signal de recherche et le son
plat de la ligne de transduction avertit Germain que ses paroles seraient
transcrites sur un écran grâce au code
préenregistré de sa voix.
«- L'Agence Mondiale de la Mémoire émet une solution prospective de premier
rang, faisabilité optimale, variance de probabilité non significative, objet
Ruthium, délai 14 heures.»
Pendant que Germain imaginait ses mots
s'inscrivant sur l'écran, une première réponse électronique, composée par le
programme évolutif propre à l'agence,
lui nasilla :
«- Pouvez-vous personnellement connecter les
faits, Monsieur Brissac «
«- Oui», articula Germain, amusé par le souci de la machine de
personnaliser ses questions- filtre. »
«- Vous pouvez transdicter une synthèse modulaire, le canal- retour sera
ouvert par le Président s'il le désire. A vous Monsieur Brissac.»
Germain perçut à nouveau le son plat,
mais accompagné cette fois du timbre ondulatoire de la demande d'attention
spéciale. Au même instant, Sir Thomas Neville guettait son terminal personnel,
alerté par le même son et la teinte gris bleu de l'écran, caractéristiques
d'une transduction directe. Pendant que Germain récitait son premier module,
les lettres jaunes reprenant ses paroles couraient sur l'écran du Président.
«- Jérôme Baroni, ex-aspirant de police du secteur 21, dispose des niveaux optima
de faisabilité pour intercepter URMI 23 demain matin.»
Le son amplifié de l'ondulation resta
vierge quelques secondes. Pas de réponse... Il fallait continuer, garder le
canal ouvert coûte que coûte !
«- Fait partiel facteur 1 : évasion pendant son investigation... moyen :
atobike 21 K 6 activée complète... recul : 6 semaines... décrochage :
bande d'accès Est-Sud du secteur.»
A nouveau cinq secondes modulées par
l'onde de retour... rien ! Ah non, il ne pouvait pas faire chou blanc, pas
cette fois-ci ! Il lui fallait un contact direct à tout prix et ce serait
aujourd'hui !
Germain modifia son texte en prenant un
risque dicté par son intuition :
«- Facteur 1 : Marcus Pops doit être rapproché de Jerôme Baroni...»
Sir Thomas avait dû bondir hors de son
siège aéromorphe. Sa réponse fut nette, bien qu'elle ne lui fût pas adressée
directement :
«- Pert du 30 avril PM, étalonner 3/4 d'heure avec l'AMM, degré 2,
marge d'1/4.» En clair une demande de
rendez-vous à son agenda programme. Sir Thomas parla enfin, coupant le
bourdonnement :
«- Bonjour, Monsieur Brissac, je serai dans votre bureau à 18 heures.»
La réponse de Germain se serait perdue
dans l'inertie du réseau, croisant les trois notes cristallines de la rupture
de contact, s'il avait seulement pu articuler une parole ! Il relut la fin de
la conversation sur la vidéo-mémoire du combiné. Non, il n’avait pas rêvé : Sir
Thomas Neville avait bien assuré qu'il se trouverait dans son propre bureau, ce
soir à 18 heures.
Quatre heures vingt ! Sybille devrait cracher tout ce qu'elle savait et dans moins de deux heures, Germain pourrait démontrer au Président du Directoire l'efficience du système prospectif de l'Agence Mondiale de la Mémoire. Depuis sept ans, ses nombreuses expérimentations aux niveaux inférieurs de la prévision tendaient vers ce but : la reconnaissance suprême par les gouvernements, de la fiabilité des solutions prospectives «inventées» par le système Sybille. Cette fois, sans la puissance inaccoutumée des vecteurs de certitude, qui avait attiré son attention, Germain n'aurait jamais pensé à rechercher l'information d'origine. L'ordinateur lui intimait de le remarquer en une véritable cascade polyphonique de voyants et diagrammes, aux pôles d'intensité maximum. Cette machine portait bien son nom méditerranéen : on eût dit que l'évènement dépassait ses capacités de synthèse et qu'elle perdait son calme métallique habituel pour trépigner d'impatience. Le langage devint plus précis lors du retour en arrière demandé par Germain, mais il restait encore trop confus pour justifier l'émotion que Sybille lui avait communiquée. Il passa sur la phase de programme «édulcor», qui devait donner en clair la solution prospective telle que le faisceau de présomptions la voyait dans l'avenir proche :
«- Jérôme Baroni peut neutraliser URMI 23 demain entre 6h30 et 8h30 AM.
Dans cette phrase, il puisa la détermination qui lui permettrait de convaincre Sir Thomas. Il devait trouver
maintenant les faits qui l'aideraient à étayer son hypothèse : Jérôme Baroni et
Marcus Pops ne faisaient qu'un ! La chose n'étant pas présumée par Sybille, il
fallait lui donner les moyens d'arriver
à cette conclusion puis d'en évaluer le niveau de vraisemblance. Comment cette
évidence avait-elle pu s'imposer à Germain en un éclair ? Son esprit tendu vers le désir de faire réagir Sir Thomas
avait conçu ce raccourci. Le risque qu'il ne corresponde pas à la réalité,
n'était rien auprès du risque contraire... Restait à mettre Sybille sur cette
voie pour réunir suffisamment d'éléments propres à convaincre le Président.
Germain demanda aux mémoires interactives de Sybille la première trace de Marcus Pops.
C'était il y a quatre ans, peu après le lancement du dernier élément du réseau ruthium, URMI 23... MARCUS POPS PORTE A LA DELEGATION GENERALE DES ECOLOGISTES accuse le Ruthium d'être une arme à double tranchant et affirme que son expérimentation est incomplète et cache un danger qui n'a pas été révélé au public. Au cours de l'été 2084, profitant du fait que les unités ralenties par la chaleur, ont abaissé leur niveau moyen jusqu'à quatre mètres des reliefs, Marcus Pops réussit à bloquer le réseau quelque part au-dessus des bandes. Sa thèse se trouve vérifiée quand le corps scientifique se rend sur les lieux à bord de la navette «kangourou», chargée de relancer le réseau. Le premier lanceur magnétique rebondit sur la ligne de force formée par les URMI. Leur effet est activé au point de creuser une tranchée de plusieurs mètres au-dessous d'eux en quelques dixièmes de secondes. Affolés par ce phénomène incontrôlable, les spécialistes n'osent plus faire de tentative avant de les avoir expérimentées en laboratoire. Les Directoires dépêchent alors le professeur Marc Trevor, coordinateur des programmes d'application du ruthium pour l'ensemble des Territoires Assistés. Trevor jette la navette Kangourou en bélier entre URMI 23 et URMI 1. La collision remet tout en mouvement mais la navette s'écrase au sol. On ne retrouve aucune trace du professeur Marc Trevor dans la carcasse pourtant presque intacte. La disparition du savant intrigue moins à l'époque que celle de l'appareillage réfractaire contenant l'URMI expérimental ayant servi de noyau de force au bélier. Les analyses du sol à l'endroit du crash révélèrent la présence de ruthium en nappe micronique d'éléments primaires récupérables. Les recherches sont interrompues. Le rapport de police souligne l'étrange dénouement de cette affaire :
«- Sont portés disparus le professeur Marc Trevor et un container technique
en ruflon»
Germain sollicite à nouveau la Mémoire
en conservant en thèmes de base les inconnues retenues par Sybille. Marcus Pops
ne réapparaît au cours des quatre années suivantes que de manière épisodique
dans l'actualité. Assez toutefois pour faire savoir qu'il a organisé la vie dans les bandes, où
l'ont rejoint plusieurs dizaines de sympathisants. Son QG diffuse par on ne
sait quel moyen, des nouvelles ultra confidentielles sur les progrès des
expérimentations nouvelles concernant le ruthium. On se perd en conjectures
pour identifier ses sources. Récemment,
il révèle qu'il dispose des moyens techniques de rompre le réseau et de créer une réaction irréversible
qui le détruirait.
«- Maintenant Baroni», pensa Germain. La musique pianotée sur le clavier,
lui rappelle avec amusement un air de son enfance... Chassant la pensée
parasite, il se penche sur le portrait historique de Jerôme Baroni que compose
Sybille . Rien ne saute aux yeux, mis à part l'évènement d'il y a six semaines,
que la synthèse reprend, laconique :
«- Le vol d'atobike étant la spécialité des bandistes, on classera provisoirement l'aspirant de police Jerôme Baroni
dans le groupe des sympathisants théoriques de l'ensemble bandistes-écologistes». Germain commute alors
l'historique des deux hommes. Les portraits sont compatibles, pas de contradiction majeure de
comportement, pas de présence simultanée. C'est suffisant pour étayer sa thèse
auprès de Sir Thomas.
La cinquantaine bien gérée, Sir Thomas
Neville se plaisait à cultiver un look de play-boy affairiste, plutôt que
d’avoir l’air de ce qu'il était : un descendant en pur lignage d'une vieille
famille de l'état d'Angleterre !... La Confédération de l'Ouest, qui l'avait
délégué à la présidence du Directoire de l'Union de l'Est, voyait en lui le
meilleur lien diplomatique entre les deux Territoires et il s'acquittait de
cette tâche sans aucune défaillance. Son aréopage, exclusivement composé de
latino-orientaux, l'aidait dans l'application de ses décisions. Son unique
quinquennat prendrait fin avec les contrats commerciaux liant son
Administration aux autres Territoires. Ainsi, l'économie, le droit et la police
relevaient de sa seule compétence, mais ses engagements ne pouvaient excéder
cinq ans. Pendant cette période, d'autres candidats, pressentis par la Haute
Assemblée des Mères, mettaient au point en secret les contrats qui seraient
présentés aux Directoires pour la période suivante. Sa diplomatie, axée sur le
but suprême de sa mission : le progrès harmonique, lui valait une solide
réputation de négociateur à laquelle sa séduction personnelle et son magnétisme
certain n'étaient pas étrangers. Cette façon désarmante de choisir les lieux
propices et les moments favorables à ses interlocuteurs, désamorçait les
situations les plus tendues. Il avait toujours préparé le terrain de ses
entretiens de cette façon et bien que cette particularité lui soit connue, son
effet positif déplaçait souvent l'équilibre des solutions vers lui. Ce qui
pouvait passer pour une politesse raffinée, n'était qu'une phase de travail dans la minutieuse technique de
Sir Thomas. Sans jamais perdre de vue la solution, il entrait dans l'argument
principal qu'on lui exposait, accompagnait la thèse plutôt que de s'y opposer.
Il savait ainsi éviter le compromis et les frustrations qu'il contient. Cette
dialectique fondée sur l'empathie lui permettait de précéder, puis
insensiblement de freiner et diriger le débat vers une autre issue, sans qu'on
ait eu la sensation d'y être conduit.
Les premières notes de l'ouverture du
Guillaume Tell de Rossini emplirent la
pièce. C'était le signal choisi ce jour-là par le service du planning pour
ponctuer ses déplacements. Sir Thomas se dirigea vers l'ascenseur,
l'ampli-cigarette au revers. Les précieuses minutes de musique qu'il goûtait
plusieurs fois par jour de cette façon, étaient pour beaucoup dans le maintien
de l'humeur égale du Président. La
cabine de plexacier atteignit le toit de l'immeuble et Sir Thomas,
confortablement installé dans l'un des deux pneumo-sièges, fit surface dans
l'habitacle de l'héli-turbine. Son sifflement lui parvint quelques secondes, avant d'être remplacé par
la douce vibration du décollage. La
bulle transparente s'élevait, propulsée par le collier de micro-turbines. Cet
appareil était vraiment propice à la détente et Sir Thomas le préférait aux
modules atomiques, plus rapides mais moins stables et dont les déplacements
étaient sujets à de brusques à-coups. Ici, pas d'accélérations ou décélérations
désagréables, inévitables sur les engins de forte puissance. Sur l'héli,
l'orientation servo-commandée des turbines, adaptait le vol aux conditions
extérieures et au relief. Pour les trajets à l'intérieur de la ville,
inférieurs à la demi-heure, elle était d'un confort et d'une sécurité maximum.
Au-delà, sa courte autonomie obligeait à de fréquents arrêts de ravitaillement
en barres pétrogènes. La recherche sur ce genre d'appareil avait marqué un
arrêt brusque dès l'apparition des modèles atomiques. Depuis peu, des modèles
automatiques avaient été mis au point. Sir Thomas pensa qu'il devrait commander
un tel appareil quand le système de recharge alternée des turbines par tube
lanceur serait au point. Tout en se
remémorant le vidéo-journal qui avait décrit cette nouvelle technique, Sir
Thomas se délectait des derniers mouvements de l'ouverture. Suspendu au-dessus
de la ville aux structures habillées de plexacier, il goûtait ces minutes de
pur plaisir, laissant son esprit planer sur quelque sujet léger, inspiré par la
douceur du voyage. Sans avoir eu conscience de descendre ni de ralentir, il
entendit le déclic de l'arrimage et la cage descendit au huitième.
La Tour du Soleil, comme toutes les
constructions récentes, avait été équipée du système héli-tour, combinant les
communications entre étages et entre immeubles.
Le bureau de Sir Thomas s'anima dès qu'il
s'encadra devant la porte. L'ouverture automatique, déclenchée par le fil
d'identité tissé à même son costume, découvrit une vaste pièce aux baies
panoramiques, ouvrant sur la moitié sud de la ville. Le bureau translucide
semblait planer au centre de l'espace. Le siège aéromorphe flottant près de la
mince plaque incurvée, émit un souffle bref en glissant vers lui. Dès qu'il fut
assis, le siège absorba de l'air pour compenser les soixante dix huit kilos que
lui imposait Sir Thomas. Il sollicita du doigt sur l'accoudoir et le fauteuil
rejoignit en glissade le plan de
plexacier. Sur une plaque de métal clair et souple de la taille d'une main, Neville composa les
lettres AMM.
Le classeur micro-projeté défila à
grande vitesse sur une surface éclairée à même le bureau. La recherche s'arrêta
sur une planche-contact de micro-fiches. Elles rassemblaient toutes les
informations recueillies sur l'Agence depuis cinq ans. L'ensemble équivalait à
une soixantaine de feuillets constituant
la meilleure synthèse disponible sur les activités de Germain Brissac. Neville
faisait procéder systématiquement à ce genre d'investigation autour des
personnes et organisations en contact avec lui. Il demanda un zoom sur les
résultats. Six agrandissements défilèrent sous sa propre impulsion, résumant
successivement les dernières solutions prospectives fournies par l'Agence et
qui s'étaient trouvées corroborées par
les faits.
«- Etonnant...» observa-t-il comme pour lui-même en se levant. Il descendit deux étages plus bas et se trouvait
à six heures précises dans le bureau de Germain.
«- Racontez-moi ce que vous savez de Marcus Pops et de ses rapports avec
Jérôme Baroni», commença-t-il sans autre préambule.
«- Ils ne font qu'un, Sir Thomas. Si mes présomptions se vérifient, demain
matin il contrôlera l'énergie du ruthium !
«- Mais comment cela ? Que peut-il en faire ?
«- C’est simple : sous son identité d'emprunt, Marcus Pops a réussi il y a deux mois à se faire inscrire
sur une liste d'aspirants de sécurité. Lors d'un interrogatoire il s'est enfui
en s'emparant d'une atobike. Surpris qu'un aspirant puisse ainsi manœuvrer un
engin qui nécessite plusieurs jours d'instruction, ils crurent à un canular
d'un des leurs. L'incident se prolongeant,
ils déclarèrent le vol en tentant de minimiser la gravité des circonstances. Le
rapport du matériel indique ce jour-là :
«- Atobike de secteur 21 indisponible.»
Et dans un autre rapport de la même journée, on trouve :
«- Aspirant de sécurité Jérôme Baroni, refusé pour insubordination et délit de fuite avec vol.»
«- C'est à partir de cette information que Sybille émet l'hypothèse que
Pops et Baroni peuvent être une seule et même personne. Le faisceau de
probabilités pour qu'un homme ait pu agir de la sorte, converge vers les
bandistes et parmi eux, seul Marcus Pops correspondrait à la fiche signalétique
de l'aspirant. Par ailleurs, on sait qu'il est à l'origine de deux autres vols
d'atobikes, avant que le service ne les ait équipées de démarreurs couplés au
fil d'identité du pilote. Il connaît ce détail puisqu'il pique le blouson
indispensable avant d'enfourcher la machine.»
«- Oui, bien sûr...c'est évident...» Neville, pensif, sembla dérouté
par le langage imagé de Germain...
«- On peut évidemment considérer qu'un simple aspirant en cours de stage ne
peut être devenu expert en pilotage
d'atobike.»
«- Ceci nous ramène à Marcus Pops. Deux pilotes de bikes sont passés aux
bandes en quatre ans, ils ont pu entendre parler du paramétrage.»
«- S'en servent-ils vraiment dans les bandes,
ils risquent d'être
repérés «
«- C'est effectivement rare, ou plutôt rarement détecté. Leurs spécialistes
ont dû mettre au point un brouillage de la trace thermique, car la piste du
fuyard a été perdue dès son entrée dans les bandes. Sybille pense que la richesse du terrain en roches vitrifiées
est utilisée pour réfléchir les faisceaux de localisation.”
«- Que compte-t-il faire d'Urmi 23 s'il s'en empare demain matin ?”
«- Je n'obtiens de Sybille que les hypothèses les plus folles. Lorsqu'on
les croise avec la personnalité du suspect, une seule émerge nettement : il
veut maîtriser la puissance du réseau Ruthium pour des motivations écologiques et humanitaires. La finalité
serait de nettoyer la planète de ses déchets parqués dans les bandes, pour les
faire revivre.”
«- Vous voulez dire qu'il veut utiliser un Urmi actif dans les bandes pour
les traiter ? Cela prendrait plusieurs années, même un idéaliste comme lui en est conscient.”
«- Sybille dit maîtriser, ce qui suppose une action d'envergure. Pour moi il
vise l'ensemble du réseau cette fois-ci.»
«- Il sait qu'il ne pourrait pas mener une action à long terme, il serait
pris avant de réaliser son projet. Croyez-vous qu'il prendra ce type de risque ?»
«- Certainement pas, mais il commence demain matin, il faut agir vite.»
«- Si nous ne pouvons l'empêcher d'agir faute de connaître ses plans, nous
le suivrons de très près pour pouvoir le devancer si nous en avons l'occasion.»
«- Pops est un bandiste organisé. Il connaît bien les réseaux
d'informateurs et leurs méthodes. Il peut agir à notre insu très
longtemps.»
Sir Thomas marqua un temps pour
réfléchir. Germain sentit qu'il devait en dire plus pour être pris au sérieux
et provoquer l'intervention de la synthèse et du service action :
«- Mon hypothèse personnelle est qu'ils connaissent bien les propriétés du
ruthium. Ils y ont probablement consacré ces quatre années d'inactivité apparente. La communauté des
bandistes s'est peu à peu enrichie de spécialistes, si l'on admet par exemple
que le professeur Marc Trevor, porté disparu dans l'explosion de la navette
Kangourou, a pu être récupéré comme certains le pensent... Rappelez-vous : la
répugnance des équipes de secours à fouiller la montagne de détritus rendait
les recherches si difficiles, qu'elles furent
abandonnées après la découverte de son fil d'identité dans les débris calcinés
de son costume.»
«- Qu'ont-ils pu découvrir que nos équipes de spécialistes n'auraient
pas déjà expérimenté ? «
«- Probablement quelque chose de puissant : on sait que certaines
découvertes expérimentales n'ont pas été poussées car elles n'allaient pas dans
le sens des préoccupations du moment. Trevor était un spécialiste des mutations
de la matière. A l'époque de sa disparition, il travaillait sur le ruthium et
venait de publier un module décrivant un phénomène incontrôlé qui pourrait bien
être l'inspirateur de leurs projets...»
«- Cette expérimentation a-t-elle été faite en vraie grandeur ?»
«- Non, seulement en laboratoire.»
«- Les conclusions en sont-elles convaincantes au point de pouvoir être
transposées à l'échelle planétaire ?”
«- Pas vraiment : la cage de simulation fut opacifiée en cours d'expérience. Au démontage on retrouva sur
les parois, des atomes de toutes les matières représentées dans le champ de l'expérience.»
«- Oui, Je vois....Il y a peu de chances
qu'on l'attrape avant que débute l'exécution de son plan, mais on peut le
traquer dès qu'il se sera emparé d'Urmi 23.»
«- Je crains fort que le plan nous échappe si nous ne prévoyons pas
d'action prospective. Il vaudrait mieux intercepter Pops au moment où Urmi 23
entrera dans les bandes, après...nous sommes chez lui !» «- Vous avez certainement raison, mais le
pourrons-nous à temps ? Je vois le problème dès ce soir avec la synthèse et
nous serons prêts demain matin. Peut-on vous joindre jusque-là ?»
«- Voici mon bip personnel, je ne le quitte pas.»
«- A bientôt, Monsieur Brissac. Vous ferez parvenir à mes services le résumé du dossier établi par Sybille...Vous
avez-là un outil qui s'affine et vous devenez maître dans son maniement, je
crois que vous formez une bonne équipe ! Nous verrons plus tard comment
l'intégrer en direct à nos propres données...»
Sir Thomas s'était levé aux premières
notes de la symphonie du Nouveau Monde et la porte glissa derrière lui,
effaçant du même coup l'homme et la musique. Germain se pinça pour se persuader
qu'il n'avait pas rêvé la sortie tonique de Sir Thomas.
«- Azul ! « tonitrua-t-il dans le micro-plaque de la table, activé par son index.
Dans la tablette posée comme une broche
sur son bustier, la voix aplatie par le démodulateur, parvint à sa secrétaire
sans la force du ton employé par Germain. Elle s'encadra dans la porte, son
capteur à la main. Germain attendit qu'elle soit installée, prit le capteur et
commença à enregistrer en réprimant sa
jubilation.
«- Ce jour, l'Agence Mondiale de la Mémoire détecte une solution
prospective retenue par le Directoire pour action directe. Vérification de
l'hypothèse sous huit heures.»
«- Noooon, ça n'est pas vrai !»s'exclame Azul, tendue d'admiration, ce qui
a pour effet d'éloigner son fauteuil. Quand, glissant sur son erre, il atteint
la paroi du fond, Azul comprend enfin pourquoi son patron semblait s'éloigner
d'elle...
«- C'est encore ce damné fauteuil baladeur qu'on vous a vendu !...»
«- Azul, vous êtes la seule personne que je connaisse qui ne l'apprécie
pas. Tous mes visiteurs m'en ont félicité, je ne vous comprends pas.»
«- Je suis peut-être la seule dans ce cas, monsieur, mais ça compte beaucoup pour moi : votre machin me donne le
vertige, je ne pourrai jamais m'y habituer, il vous faudra choisir, ce sera lui ou moi !...» dit-elle en
se trémoussant pour tenter de revenir vers Germain !
«- Voyons Azul, ne m'obligez pas à faire un choix déchirant, vous
savez parfaitement que je tiens à ce
fauteuil. Vous ne pouvez que vous y adapter, vous n'avez pas le choix !... Mais
je vois que la nouvelle ne vous fait pas plus d'effet que ça. Je me demande si
vous êtes vraiment...»
«- Ah non, je vous en prie, ne mélangez pas tout !... Alors, c'est vrai,
cette fois-ci c'est gagné ? «
En se penchant vers Germain, elle avait
imprimé au siège le mouvement inverse et
se trouvait maintenant au contact du bureau.
«- Vous voyez, il vous a obéi, n'est-ce pas merveilleux ?»
Azul garda un mutisme prudent pour
écouter la suite.
«- Oui, Sir Neville sort d'ici. Préparez tous les documents d'analyse de
connections que Sybille a crachés, il faut les faire parvenir dans la soirée au Directoire.
«- La machine a dupliqué l'analyse, le dossier est prêt, ventilé et classé
par hypothèses de probabilité décroissante. Comment l'envoie-t-on ?»
«- Magnite, c'est ultra-secret;” puis, baissant le ton :
-“Azul, s'il-vous plaît, faites moi
le plaisir de cesser d'appeler Sybille
la machine , comme si c'était un vulgaire moulin à café !»
«- Je trouve ce prénom ridicule et inadapté pour une mach... euh, même pour
un ordi-système à mémoire illimitée...»
«- Je vous ai déjà expliqué ce qu'il évoquait à l'ère Antique : vous savez ? Ce personnage mythique qui
s'exprimait par énigmes. C'est l'esprit qui a présidé à la programmation.
Sybille n'affirme que des faits passés ou des théories établies. Pour l'avenir,
elle propose des hypothèses plus ou moins formulées, mais dont les vecteurs
permettent de composer plusieurs solutions prospectives en fixant des
paramètres et combinant différents facteurs. Ce n'est qu'une fois construites
par l'homme qu'elles sont proposées au jugement de Sybille. Elle les classe
alors par probabilités ou les écarte si elle possède un élément
incompatible.Par ailleurs, ma chère Azul, c'est une simple question d'image de
marque !...»
«- C'est bien noté, Monsieur Brissac, je prendrai soin à l'avenir, de bien
nommer votre chère image de marque. A propos, on ne peut toujours pas vous appeler
Germain dans le service ? Vous n'avez pas peur que ça fasse un effet négatif
sur l'image d'avant-garde de l'Agence ? A moins que ne soit dépassé, un numéro
ferait mieux l'affaire, non ? Pourquoi pas 22, on aurait un siècle d'avance ?”
«- Azul, ma chère, je ne permets cela qu'à mes amis déclarés et il ne tient
qu'à vous d'entrer dans cette élégante confrérie. Malheureusement, il vous
faudrait pour cela abandonner vos sarcasmes quotidiens, sans lesquels je ne
sais si vous pourriez garder encore longtemps l'estime que le service semble vous porter, à moins qu'elle se
justifie par d'autres atouts...»
«- Vous savez très bien qu'il n'en est rien, Monsieur, le service entier
vous admire et vous est dévoué corps et âme ! Tout le monde s'attache à vous être agréable.»
«- J'espère que votre âme s'en sortira aussi bien que votre corps, que je
n'ai jamais osé solliciter plus que de raison, je vous le fais remarquer avec
le respect dû à son apparence flatteuse...»
«- Il ne s'agit nullement de ça et vous le savez bien...Je ne...»
«- ...Je ne vous autorise pas, etc...Je connais votre rengaine dès qu'on
tente de vous faire un compliment, apprenez, chère Azul, que depuis que le
monde est monde, une femme s'en tire très bien avec un merci et un sourire ! Mais tout est très bien comme
cela...allez vite magniter le dossier et avant de partir n'oubliez pas de
traiter le capteur.”
Forçant l'allure par dépit d'avoir le bas des
jambes entravé dans sa tunique ligne «V», elle se présenta dans le cône de
sortie sans avoir déclenché l'ouverture de la porte, ce qui eut pour effet la
chute de ses lunettes, de ses papiers dans sa vaine tentative pour rattraper les premières, et un gros plan
troublant sur ses fesses au galbe souligné par la tension de l'étoffe,
lorsqu'elle se pencha pour les ramasser...
Germain fixa cette image dans un
groupuscule de cellules de sa mémoire, à l'usage de ses fantasmes et s'apprêta
à recevoir l'assaut inévitable... Furieuse, elle fit volte-face :
«- C'est encore votre satanée porte automatique ! C'est bien la pire
invention jamais produite par ces technocrates que vous admirez Débloquez-la,
voyons, c'est puéril de la part d'un être aussi intelligent que vous, Monsieur
Brissac !»
Germain éclata d'un rire sans retenue,
en étirant ses bras, paumes ouvertes en signe d'impuissance.
«- Voyons Azul, je vous assure que je n'ai rien fait, vous êtes bien
la seule à ne pouvoir la faire
fonctionner. C'est parce que vous pensez trop ! Sortez naturellement du bureau
et elle s'ouvrira.»
«- Mais c'est ce que je fais ! Non, non, je vous soupçonne de la commander
de votre bureau, pour le seul plaisir de me complexer !»
«- Tout le monde ralentit en approchant d'une porte fermée, c'est dans le
schéma corporel humain. Les ingénieurs qui ont mis au point ce système ont
analysé le fait sur des milliers de personnes dans toutes les conditions
possibles. Sur le nombre, seuls les cas de tentative de fuite ont laissé la
porte close. C'est d'ailleurs fait pour ça, sécurité oblige. Alors, à moins de
m'expliquer ce qui vous fait fuir, je ne vois pas ce qui vous empêche de
quitter mon bureau normalement.
«- L'envie de démissionner...voilà ce qui me fait fuir, Monsieur. Je n'aurai pas la cruauté de vous imposer plus
longtemps mon schéma corporel
déficient...Gardez votre porte, moi je garde mon corps comme il est, certains
s'en contentent et beaucoup d'autres aimeraient consacrer leurs économies à en
étudier les réactions derrière une porte, qu'ils soient ingénieurs ou autres
mâles de races différentes !...Ouvrez cette porte, je voudrais sortir
maintenant !»
«- Mais ma chère, voilà un compliment que vous vous faites toute seule,
n'est-ce-pas ? Je vous en prie, ne réfrénez pas vos instincts, démissionnez, et
voyons si cela déclenche une telle tempête d’instincts dans la gent masculine
!»
«- J'essaierai demain...pour voir...merci Monsieur Brissac !»
«- Bonsoir Azul, bloquez tout en partant, j'ai mon identité.»
Cette fois la porte s'effaça et reprit
sa place sur l'image des talons-pyramides, prolongée par leur claquement rythmé
sur la dalle de plexacier vert amande.
De retour dans son bureau de la tour du
Directoire, Sir Thomas avait déjà posé le problème à son équipe d'intervention.
Il se proposait de décanter les données de Sybille dans la nuit, mais étant
donné le peu de temps disponible, il fallait mettre en place un plan permettant
de garder le contact avec le responsable du trouble, quitte à le modifier après
intégration des dernières données analytiques.
Ils étaient déjà en simulation et
avaient prospecté les phases analogiques des cas précédents. L'équipe de terrain, représentée sur l'écran du
simulateur, évoluait en saccades, chaque déplacement étant induit par les
options de l'ordinateur analogique.
«- Ce n'est pas possible, Sir, nous avons trop de données contradictoires avec ce Pops !»
L'homme qui avait parlé aurait pu
incarner bouddha dans une série exotique. Mais il était dangereux de s'y fier :
Tong, avec son air de chinois insondable et son quintal rassurant, était le
patron de l'intervention rapprochée. Autour d'une table, le regard mou et la
voix grasseyante, il représentait l'antithèse de ce qu'il était sur le terrain
: un fauve qui ne prévient pas, choisit sa proie et ne la lâche pas”
«- Du calme, Tong, je le sais, il nous faut tout de même simuler. Ce sera
plus clair demain sur le terrain. Je vous laisse travailler, je vais sonder les
données de l'AMM avec ceux de la Synthèse. Je suis persuadé qu'en couplant
leurs solutions avec les vôtres, nous aurons la solution !»
«- D'accord, mais attendez-vous à une véritable exploration et pas moins de
tout un corps expéditionnaire s'il nous faut entrer dans les bandes pour
enrayer son action : c'est son terrain, il le connaît mieux que nous. Euh...si
ça peut vous intéresser, le niveau de pertes prévisibles en hommes et en
matériel pour ce genre d'opération, dépasse la moyenne des cinq dernières
sorties !...»
«- Le risque nécessite qu'on y mette les moyens, Tong, nous n'avons pas le
choix : on pense à une déstabilisation provisoire ou même définitive du réseau
Ruthium, voire à son détournement pour une utilisation subversive. Je n'ose
imaginer les conséquences sur l'ensemble des Territoires ! Bluff ou pas bluff,
je compte sur vous pour qu'une telle pagaille n'ait aucune chance de se
produire sous mon Mandat, n'est-ce-pas, Monsieur Tong ?
«- Tong comprit qu'il devait mettre toutes ses équipes en alerte dès ce
soir, travailler serré avec le groupe de Synthèse toute la nuit, pour
paramétrer un maximum de plans d'action en fonction des évènements qui risquaient
de se produire demain sur le terrain.
«- Entendu, Sir, envoyez-moi Santos et ses cerveaux dès qu'ils seront sortis de leur bocal, j'en aurai besoin à
cent pour cent, mais pas avant une heure, il faut que je déclenche mon
branle-bas de combat... !»
«- J'y vais de ce pas, je pense qu'ils ont également besoin d'une heure
pour sortir un jeu de rosaces avec lesquelles vous pourrez construire vos
actions.»
Quand Sir Thomas fit irruption dans le
«bocal» de la Synthèse, Jorge Santos et son équipe de cerveaux nourrissaient
fébrilement leurs ordinateurs d'une myriade d'hypothèses toutes plus folles les
unes que les autres, lancées à voix haute par chacun dans une ambiance de brain
storming. Il comprit que la phase consistant à entrer tous les éléments
disponibles sur la crise : forces en présence, moyens disponibles, terrain des
opérations, était finie et qu'on en était à triturer les données en y injectant le maximum de cas de figures
pouvant se présenter, même les plus aberrants, les plus inattendus, pour
visualiser le noyau de la mission et les
actions possibles. En fait, le programme ressemblait à une gigantesque partie
d'échecs simultanés et interactifs dont le manipulateur devait sortir
vainqueur, quels que soient les moyens...Chaque phase d'une action aboutissait à un dessin caractéristique en
forme de rosace plus ou moins complexe, indiquant que la victoire était
possible. On s'évertuait alors à inventer toutes sortes d'obstacles et d'interpositions dont le
programme devait à nouveau sortir
vainqueur. Ainsi, chaque rosace était gardée en mémoire, intégrée dans le réseau ADA (Aide à la Décision
d'Action). Demain, sur le terrain, tous les évènements, transmis et superposés
aux modèles pré-établis, seront recalculés en quelques micro-secondes et
fourniront une décision sur-le-champ.
«- Imbrication dans une heure, Jorge», lança Sir Thomas en émergeant du sas
d'accès au volume. Jorge Santos ne leva
pas le nez de sa console. Le rayonnement rosissait ses traits, tendus vers le
graphe en train d'éclore.
«- Ca y est, Tom, je l'ai !» triompha-t-il en guise de réponse à Sir Thomas, qui fut sur son épaule en trois
enjambées.»J'ai toutes les 9 rosaces superposées, on peut y aller !» confirma
Santos.
«- Mais, ça implique de rester toujours à moins de trois minutes de l'objectif,
n’est-ce-pas ?» commenta Sir Thomas,»on peut y arriver ?»
«- Il faut demander ça aux gars de l'Action, rendez-vous dans quarante
minutes, Tong pourra nous le dire. Mais...il faudra du monde partout et du matériel, tout ce que nous avons de plus
récent ! Les pertes pourraient dépasser le seuil acceptable pour une opération,
il faudra certainement l'accord des autres Territoires...»
«- Je m'en charge, à tout à l'heure chez Tong. Bravo pour tout, Jorge,
bravo à vous tous aussi, les cerveaux, vous êtes des champions !»
Le crépitement des ordinateurs reprit
de plus belle, avant que le sas n'ait eu le temps de déglutir la sortie du
président...